Fanny Jacquelot, maîtresse de conférences en droit public au sein du CERCRID (Université Jean Monnet Saint-Étienne) et membre du comité scientifique de la Chaire, a dirigé de 2022 à 2023 le projet Repenser la détermination de l’âge du mineur étranger non accompagnés. Perspectives empiriques et comparés. Soutenu par l’IERDJ (Institut des Études et de la Recherche sur le Droit et la Justice, ancien GIP Mission Droit & Justice), ce projet a mobilisé un groupe de dix-sept enseignants-chercheurs français, italiens et espagnols et a abouti à la publication d’un rapport et d’une synthèse en septembre 2023.
Une analyse pluridisciplinaire, empirique et comparée
Construit dans un contexte de tensions migratoires, ce projet repose sur le constat des ambiguïtés qui entourent non seulement le statut spécifique du mineur non accompagné, mais encore les conditions dans lesquelles ce statut est attribué aux jeunes migrants. Entre expertises médicales parfois peu fiables et enjeux contradictoires de protection de l’enfance et de lutte contre l’immigration illégale, l’analyse proposée avance une réflexion approfondie sur la diversité des moyens mobilisés dans les trois États analysés (la France, l’Italie et l’Espagne), de sorte à fournir les outils théoriques et pratiques nécessaires à la reconceptualisation de la protection du mineur étranger non accompagné.
Pour ce faire, l’analyse proposée s’articule autour de deux choix méthodologiques. Elle exploite toute d’abord les outils fournis par le droit comparé. L’Italie et l’Espagne sont en effet deux territoires d’accueil qui, tout en faisant face aux mêmes difficultés que la France, déploient néanmoins des pratiques d’évaluation et de détermination de l’âge des jeunes migrants singulières (en particulier vis-à-vis de la place de l’expertise médicale). À cet égard, le droit comparé intervient à la fois comme révélateurs des spécificités françaises et comme outil de rapprochement d’États qui, malgré leurs pratiques et leur structuration territoriale distinctes, se doivent de répondre à des défis communs. L’influence et l’impact du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies et de la Cour européenne des droits de l’Homme n’en ressortent alors que plus visiblement.
En parallèle de cette démarche comparée, c’est aussi une démarche empirique qui fonde cette recherche. Menée auprès des acteurs directement impliqués dans la question de la détermination de l’âge des jeunes migrants, cette démarche a permis de recueillir leur témoignage et leurs observations de manière à permettre à la recherche de saisir la “réalité” du terrain telle qu’elle est vécue par les associations, organismes publics et individus qui s’en saisissent.
Un outil à destination des pouvoirs publics
Les conclusions tirées par cette recherche sont autant de lignes directrices pour une éventuelle reconstruction du modèle français d’évaluation de l’âge des jeunes migrants. La judiciarisation intégrale de la procédure, la mise en place d’une double présomption de minorité et d’authenticité des documents d’identité présentés et, à défaut, un système de hiérarchisation des éléments de preuves constituent ainsi les grands axes proposés pour repenser et reconfigurer le parcours suivi par le jeune migrant.
Une recherche encore en cours
Si le projet IERDJ s’est achevé par la publication d’un rapport complet, la recherche menée sur la détermination de l’âge des jeunes migrants, quant à elle, n’est pas terminée. Si elle a déjà conduit à l’organisation d’un colloque le 18 janvier 2024 au sein de la Faculté de droit de Saint-Étienne (dans le cadre duquel ses conclusions ont pu être mises en perspective avec le guide EUPROM, European Union PRotection of unaccompanied Minors), elle conduira aussi, en janvier 2025, à l’organisation d’une nouvelle conférence à Rome sur la question du suivi, de l’accompagnement et de la protection du mineur étranger non accompagné une fois sa minorité admise.